A documentary look at the fate of Mexicans who cross the border into the United States.
EN
“Akerman expressed that she wants to engage in a certain socio-historical situation “à l’aveuglette” [blindly] or like some kind of “éponge-plaque sensible” [sponge/negative plate], not to let go until she has covered it fully. She does not want to ‘pre-think’ a situation but wants to find a state of mind where one is restrained to judge and inclined to perceive reality as if for the first time. This is what makes her practice different from that of political filmmakers: “They have a skeleton, an idea and then they put on flesh: I have in the first place the flesh, the skeleton appears later.” An explanation for Akerman’s encyclopaedical aesthetics and materialist approach — in short: her urge for a well-documented filmmaking — is to be found in more than just her passion to portray the unseen, the everyday or the uncinematic (the often discussed themes of dead time, boredom or domestic work). It seems to arise out of a moral compulsion with showing, or at least knowing, everything.”
Camille Bourgeus1
“"Sometimes the absence is stronger than the presence. It means more,” Akerman said to the audience, later invoking the representation of Jews in Resnais’s Night and Fog. The post-screening session, in fact, began with the filmmaker mentioning that anti-immigration cant pricked up her ears with its echoes of rhetoric used historically against Jews. “Everyone who is ‘dirty’ does interest me,” she said, later talking about the resonance of the border’s barbed-wired walls. The filmmaker demonstrates her skill as a compassionate interviewer, planting us across from both sad and stoic relatives, Americans voicing outsized September 11th paranoia, even an overwhelmed Mexican consular official. “I have always had good contact with people. They always want to talk to me,” Akerman said. “I just let them exist, and probably they feel it.” In one extraordinary sequence, an illegal immigrant reads out a proud, pained statement at a cafeteria table of his companions – a moment that came about at the man’s request. “You have to be really like a sponge when you make a documentary.””
Nicolas Rapold2
- 1Camille Bourgeus, ""II faut mettre en scène la vie": Storytelling on the Edge of Fiction in Chantal Akerman's 'De l'autre côté'," photogenie.be, 28 September 2018.
- 2Nicolas Rapold, "Over There: Chantal Akerman presents From the Other Side at FIAF," filmcomment.com, 6 October 2015.
FR
« Le récit en vient ainsi à se confondre avec les dires de cette logeuse qui évoque, au gré d’une succession d’affirmations désordonnées et laconiques, le départ inopiné de la femme: « Elle a laissé l’argent du loyer sur la table, pas de lettre ni rien, elle n’avait pas grand chose. » , certains de ses faits et gestes quotidiens « Parfois le dimanche elle devait aller à la plage, je pense. Je pense ça parce qu’il y avait parfois un peu de sable dans les escaliers. […] Parfois elle sortait quelques minutes pour fumer […] alors elle déambulait un peu dans la rue en fumant, elle avait l’air de réfléchir. » , ou sa réticence à lier connaissance « J’ai pas grand chose à dire sur elle. On n’était pas liées du tout. Pourtant avec moi c’est facile de se lier. », avant de donner à entendre l’inquiétude que semble avoir imprimée en elle sa disparition: « Parfois je me dis qu’elle est morte […]. Je ne l’ai plus jamais vue dans le quartier. Enfin, j’ai cru la voir… mais je ne suis pas certaine que c’était elle… C’était pas loin d’ici… au coin de la rue… et du boulevard… Il y a beaucoup de Mexicains par là. J’étais en voiture mais quand je suis arrivée à cet endroit, il n’y avait plus personne, j’ai dû avoir une hallucination. »
En s’en tenant à la platitude de ces quelques faits, souvenirs et impressions, en s’attachant non à reconstituer ce qui fut, mais à consigner ce qu’il reste, Akerman nous entraîne dans le cheminement décentré et ouvert d’un récit qui semble tout entier porté par la dynamique déceptive d’une errance, nous livrant à l’entrelacs lacunaire des traces éparses qu’a laissées la femme sur son passage, à la précarité d’une progression discontinue et aléatoire, au gré de laquelle elle ne cesse d’apparaître et de disparaître, de s’approcher et de s’éloigner, se découpant dans la netteté d’une proximité fugace ou s’effaçant dans l’indécision d’un horizon indiscernable.
Entre les paroles et le silence qui les cernent de part en part, entre ce qui a pu être dit et ce qui restera tu, le récit retrace comme à tâtons, dans la clarté fragmentée de cette succession d’aperçus où prennent corps, çà et là, les contours singuliers d’une silhouette, d’un geste, d’une manière d’être, mais aussi le bruissement insaisissable d’une présence enfuie, le pointillé de cette trajectoire morcelée, et nous introduit à la réalité d’une existence soumise au fatum d’un perpétuel départ, d’un incessant passage, comme constamment détournée d’elle-même, prise dans le procès d’un anonymat croissant, d’un effacement irrémissible, la portant à se perdre dans l’indétermination d’un nulle part. »
Catherine Ermakoff1
- 1Catherine Ermakoff, "Une voix dans le désert II] À propos de la voix off dans « De l'autre côté » et « From The Other Side » de Chantal Akerman," Vertigo 2, nr. 26, 2004, 67-70.