Dagboek

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The upcoming birth of his child marks the starting point of Johan van der Keuken’s investigation into the society in which the child will later have to live. Filmed in the Netherlands, Morocco, and Cameroon, the film provides a history of the tools humanity has used over the centuries to control its natural environment, and how these tools contribute to social alienation and oppression in high-tech societies.

NL

‘‘Ik had het daarnet over de zoom. Ik ben er echt op een persoonlijke manier mee begonnen te werken in Dagboek. Daar ben ik hem gaan gebruiken als een rechte lijn – het is dus niet meer een manier om zo elegant mogelijk in een close-up terecht te komen. Sinds Dagboek probeer ik in de montage zoveel mogelijk het begin van de zoombeweging af te snijden – het is dus geen shot dat begint te bewegen, het is een beweging die er al is. Het shot ervoor is vaak een stilstaand shot. Van een stilstaand shot snij je hard naar een shot dat al beweegt. Ik denk dat de zoom daar echt zijn gezicht laat zien. En het is ook een soort arm die uitgestoken wordt, een vuist die uit het scherm naar voren komt. Ik bedenk nu, dat ik in zwenkbewegingen ook geneigd ben het begin er af te snijden. In De nieuwe ijstijd had je dat al: vast shot/vast/boem! (bewegend shot). Het is erg muzikaal en accentueert de gebaren. De beweging ontstaat niet toevallig doordat je een onderwerp volgt, de beweging is gewild, het is beweging als beweging en daarna wordt het pas beeld, wanneer de beweging tot stilstand komt.’’

Johan van der Keuken1

  • 1Serge Daney en Jean-Paul Fargier, “Een interview met Johan van der Keuken in de Cahiers du Cinéma,” Sabzian, 6 oktober 2013. Dit interview verscheen oorspronkelijk in het Frans in Cahiers du Cinéma, nr. 289, 1978. Vertaald door Johan van der Keuken en gepubliceerd in Zien, Kijken, Filmen. Foto’s, teksten en interviews (1980).

FR

« Je désire venir filmer au Cameroun pour les raisons suivantes : il s’agit d’un film de caractère didactique sur le thème général du développement. Je veux essayer de montrer comment différents stages de technologie – différentes sortes d’outils – existent côte à côte dans notre monde actuel. La nature de ces outils affecte la vie dans les communautés rurales, dans les régions, dans les villes, dans les pays. Je veux montrer la transformation des outils, l’effort vers la modernisation et les changements dans la vie traditionnelle et dans les rapports humains qui en découlent. »

Johan van der Keuken1

 

Jean-Pierre Dardenne : Les films de Van Der Keuken sont des films didactiques. Pour moi ce n’est pas un reproche. Certaines personnes sont allergiques au didactisme tel qu’il était pratiqué par un certain cinéma militant, assez autoritaire, se souciant plus du message que de la forme. Chez Van Der Keuken pourtant, la forme est très travaillée, mais on ne peut pas en parler sans aborder ce qu’il a à dire. […] 

Luc Dardenne : Le didactisme de Van der Keuken n’est pas un didactisme autoritaire. Les associations en oeuvre dans ses films, le commentaire, ne viennent jamais renforcer une seule signification. Au contraire, le spectateur est toujours confronté à plusieurs significations. Sauf peut-être dans le tryptique Nord-Sud où il décrit la situations de paysans expropriés. Il rappelle alors des vérités fondamentales et les lois de l’exploitation capitaliste. On pourrait donc dire qu’il s’agit bien de donner une lecture unique au film. Mais les images ne montrent pas ce que le commentaire décrit. Dans l’image, il n’y a pas d’un côté les exploiteurs, de l’autres les exploités. Le commentaire signale les éléments dont il faut partir pour entrer dans le film. C’est une manière de dire : « Attention spectateur, tu vas aborder des images qui disent beaucoup de choses. Mais il y a un élément qu’il ne faut pas oublier : ces gens que tu vois sont dans une situations d’opprimés ».

Luc et Jean-Pierre Dardenne2

 

Robert Daudelin : Dans chacun des trois films dont nous parlons le choix des lieux est extrêmement important, étonnant aussi, Cameroun, Maroc et Hollande dans Journal ; États-Unis, Espagne et Hollande dans La forteresse blanche ; Pérou et Hollande dans Le nouvel âge glaciaire. Je pense qu’il serait intéressant que tu expliques ces choix-là.

Johan van der Keuken : Au départ de Journal il y a la question du bonheur. Le bonheur c’est un de ces mots dont on ne veut plus se servir maintenant et je me suis demandé si on n’avait jamais pu s’en servir. J’ai cru comprendre que dans le passé, très loin dans le passé, le bonheur n’était pas une catégorie séparée ; c’était être là, exister, vivre son existence et peut-être que c’est à partir du moment où on a commencé à se rendre compte qu’on était malheureux qu’on a développé la faculté d’objectiver ce genre de catégorie, qu’on a commencé à parler de bonheur. C’est donc à partir de cette question que j’ai commencé à penser au film, en tenant compte du fait que maintenant on est capable de voir certaines choses, d’être témoins de différentes phases dans l’histoire de l’homme. J’ai donc voulu voir ces différentes phases : une société tribale, une société féodale et une société capitaliste comme la nôtre.

J’ai fait ce retour sur l’histoire par le biais des outils de l’homme – on est déjà dans le travail ! – qui lui servent à transformer le monde : ça va de la houe africaine à l’ordinateur de chez nous. J’ai donc été amené à rechercher une société tribale, assez pure au départ, dans laquelle on pouvait voir des signes de transformations sous l’influence de la culture occidentale. Comme on m’avait parlé de situations au Cameroun qui correspondaient à cette idée et que j’avais certains contacts qui me permettaient d’y aller, le Cameroun est devenu le premier lieu du film. En second on a choisi le Maroc parce que c’est un pays où il y a encore beaucoup d’artisanat, dans une structure féodale : le milieu exact entre les outils primitifs et la technologie industrielle. Enfin la Hollande parce que c’est la société industrielle avancée. 

Journal ne parle pas tellement de la structure sociale de ces sociétés ; il essaie de rendre sensible le rapport direct qu’il y a entre l’image du monde, des gens et des outils. Le film parle de notions très élémentaires ; je l’ai pensé dans les termes d’être couché, être assis, être debout, marcher. À partir de ce mouvement très élémentaire, j’ai voulu constituer un plan de coupe du monde. C’est évidemment une ambition énorme, une idée tellement grande que ça risquait de devenir tout de suite vaseux ; c’est pourquoi je crois qu’il fallait quelque chose comme ce texte à lire qui revient périodiquement dans le film pour donner un peu de contrepoids à cette idée – un élément dialectique pour ramener les choses au présent.

Robert Daudelin en conversation avec Johan van der Keuken3

  • 1Extrait d’une note d’intention de Johan van der Keuken, Amsterdam: Eye Collectiecentrum.
  • 2Christophe Fraipont, “Conversation chez les Dardenne, sur van der Keuken absent,” Vidéodoc’, nr. 48 (1981–1982).
  • 3Robert Daudelin, “Entretien avec Johan van der Keuken,” dans Johan van der Keuken. Voyage à travers les tours d’une spirale, dans Les Dossiers de la Cinématheque, numéro 16 (Montréal : Cinémathèque Québécoise, 1986). Republié sur Sabzian, 16 octobre 2024.
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