French essay film focusing on global political turmoil in the 1960s and '70s, particularly the rise of the New Left in France and the development of socialist movements in Latin America.
EN
“1967 saw the rising of a peculiar kind of teenagers. They all looked the same. They recognised each other immediately. They seemed to have a mute but absolute knowledge of some things...while they were completely ignorant of others. They were incredibly skilful with their hands, when makings posters, taking out pavement stones, painting with spray cryptical short messages that stuck to your mind. All the time looking for new hands that passed on the message they had received, but didn't managed to decipher entirely. Those fragile hands left the mark of their fragility. They even wrote it in a pamphlet: ‘The workers shall take the flag of the struggle from the fragile hands of the students’... But that was the next year.”
Excerpt from the film’s voice-over
“WHAT DO THEY HAVE in common, these images that linger in the bottom of our cans after each film is finished, these assembled scenes that, at a certain moment, disappear during the editing, these ‘outtakes,’ these ‘discarded trims’? The first intention of this film: to cross-examine, as it were, via a precise theme (the evolution of political issues around the world in the years between 1967 –1970), our repressed unconscious in images.
THEN, another kind of repressed unconscious was made available to me by the coincidence of a television coproduction. Found footage, images already used, edited, broadcast – but televisual in form, which is to say immediately absorbed by the quicksand on which such empires are built. Images framed for television: the sweeping away of one event by another, the substitution of the dreamt for the perceived, and the final plummet into the collective ‘un-memory.’
IT WAS tempting to make these two series of repressed memories act upon the other, to search for a perspective on each through the other (a militant film rejected because it was deemed too ambiguous coming up against the same event described ‘objectively’ in images from a photo agency), the gesture or the cry let slip by a reporter exterior to an act confronted with a political commentary about the same act – discarded for lack of a witness to substantiate it. Working hypotheses. A response – a partial response – is perhaps found in the completed film.”
Chris Marker1
- 1Chris Marker, “Preface by Chris Marker”.
FR
« Dans certaines séquences, le film manifeste à l’inverse un retour du cinéaste en tant qu’auteur. Il apparaît ainsi comme le récit d’un parcours politique personnel, ou une méditation sur le temps qui passe et qui emporte les souvenirs et les illusions. Dans ce mouvement de subjectivation, le film apparaît comme un réexamen libre et personnel des années où le fond de l’air était rouge [...]. Si Le fond de l’air est rouge permet à la voix subjective de percer au sein des discours multiples, le film ne manifeste aucune régression vers la mystique de l’auteur qui avait caractérisé les membres (et apparentés) de la Nouvelle vague. Il témoigne plutôt d’une volonté de faire des films politiques réalisés par tous et appartenant à tous. Le cinéma pourrait ainsi s’instituer en microcosme utopique où tente de s’élaborer un lien authentiquement fondé sur le libre jeu (Je) avec le Nous. Cette volonté est partagée par les nombreux collectifs de cinéma militants de l’époque, comme le rappelle Jean-Louis Comolli : ‘Tel est bien le paradoxe du cinéma « militant ». Construire du « nous » pour filmer […] et faire passer dans le film le « nous » de la lutte ; sauf que, pour que cela advienne, il n’y aurait d’autre voie que de tenir au « je » du geste, de l’énonciation. Un « nous » qui dit « je ». Éternelle question posée dans la pratique du cinéma, dans le faire des films. Mais cette question n’est-elle pas la question politique elle-même ?’ »
Sylvain Dreyer1
« Quel cinéaste n’a pas rêvé de rassembler un jour ses chutes, ou au moins de les reconsidérer pour réutiliser les plans, les séquences, les rouleaux regrettés ? A y replonger, il est très probable qu’on y trouverait au moins un thème commun : celui de la réflexion. Dans l’ensemble (et seulement dans l’ensemble) on pourrait dire que, parallèlement aux films « faits » qui décrivent en général le temps de l’événement, le temps de l’action, leurs chutes, leurs retombées, leurs épluchures décrivent le temps de la réflexion. [...] Je sais que jamais je n’aurai le budget ni les moyens de recherche adéquats à un si vaste sujet. Alors, à moi les épluchures. Avec tout ce que moi-même et les autres n’avons pas retenu, pas utilisé, je ferai mon film que j’avais un moment songé à baptiser d’une expression employée pour la première fois dans son sens constructif : Les Poubelles de l’Histoire. »
Chris Marker2
« L’année 1967 a vu apparaître une race d’adolescents assez étrange. Ils se ressemblaient tous. Ils se reconnaissaient immédiatement entre eux. Ils semblaient habités d’une connaissance muette mais absolue de certaines questions, de certaines actions, et sur d’autres ne rien savoir… Leurs mains étaient incroyablement habiles à coller des affiches, à échanger des pavés, à écrire à la bombe des phrases courtes et mystérieuses qui resteraient dans les mémoires – tout en cherchant d’autres mains à qui transmettre un message qu’ils avaient conscience d’avoir reçu sans le déchiffrer totalement… Ces mains fragiles nous ont laissé le signe de leur fragilité, elles l’ont même écrit en clair un jour sur une banderole : « Les ouvriers prendront des mains fragiles des étudiants le drapeau de la lutte » … Mais ça c’était l’année suivante ! »
Extrait d’un commentaire du film
- 1Sylvain Dreyer, “Autour de 1968, en France et ailleurs : Le Fond de l'air était rouge,” Image & Narrative 11, nr. 1, 2010.
- 2Chris Marker, “Lettre d'intention du dossier de production”.