L’amour fou

L’amour fou

A stage work forms while a marriage collapses in perhaps the most remarkable of director Jacques Rivette’s many explorations of the intersection of life and art. During the rehearsals for the production of the tragedy Andromaque, the leading actress and her director, a couple behind the scenes, can't find a way to leave their personal problems at home.

 

L’amour fou [...]: a love affair, pitched somewhere in the mire of an extended theatre rehearsal – where both libidinal and artistic energies intersect – somehow ends in desolation. It’s as if Rivette were suggesting that one begets the other, and that as the rehearsals disintegrate, the play itself never realised, the lives lived around the play, as in Paris Belongs to Us (1961), Out 1 (1971), and Around a Small Mountain (2009), might too suffer the same fate. Bulle Ogier’s Claire records the radio, and her own heavy breathing, and the traffic whooshing by anonymously outside, as if to reclaim some of the artistic energy she displaced by leaving the theatre troupe. Jean-Pierre Kalfon’s Sébastien stares at his reflection in a shop window [...] and can see only two: his own reflection as some kind of stand-in for a missing Claire. L’amour fou’s final shot, as brilliantly obvious as anything that would be later imagined by Lynch, posits a bow to the theatre, echoing the opening shot’s rise from the whiteness of the stage floor, as gesturing towards the stagey qualities of the relationship itself. The energies of creation and sex are mutually recurring, and both extinguish with the dissolution of the affair.”

Christopher Small1

 

« Il faut aller plus loin : en greffant le drame de L’amour fou sur l’histoire d'une mise en scène, Rivette incorpore au sujet du film le mouvement même de sa création. Qu’est-ce que faire un film, sinon réunir un certain nombre d'acteurs, les faire vivre ensemble pendant quelques semaines et les engager dans une œuvre commune? C'est justement ce qui nous est montré. Il n’y a là aucun narcissisme de créateur ; au contraire, c’est ce principe qui donne à l’œuvre une vie propre, indépendante des intentions du cinéaste. Rivette a voulu réagir contre une conception autocratique de l’auteur de films. Il a demandé à Jean-Pierre Kalfon de monter effectivement Andromaque, selon ses propres idées, en choisissant lui-même ses acteurs, en continuant à répéter même lorsque la caméra ne filmait pas. « Ce qui était passionnant, déclare-t-il, c’était de susciter une réalité qui se mettait à exister d’elle-même, indépendamment du fait qu’on la filme ou non, et ensuite, de se comporter vis-à-vis d’elle comme d’un événement sur lequel on fait un reportage, dont on ne garde que certains aspects, sous certains angles... » En réalité, les deux parties étant en symbiose, cette phrase s’applique à l’ensemble du film. Le cinéaste n'est plus un démiurge; il devient en quelque sorte étranger à sa propre création. Cependant, même s’il le voulait, il ne pourrait pas s’absenter de son œuvre. La caméra est toujours plus qu’un témoin: un regard. A travers les sollicitations extérieures, l’œuvre n’est pas perdue mais se retrouve enrichie. Elle est devenue plus organique.

L’amour fou n'est pas une œuvre de laboratoire mais un film vivant, sensible. C’est pourquoi, je crois que la manière la meilleure de le voir est aussi la plus naïve : oublier tout ce qu'on sait du cinéma, considérer qu’on est en train de suivre des personnages et essayer de deviner ce qu’ils font. C'est une attitude active mais qui ne va pas aussi sans une certaine passivité: le film ne devient interessant qu a partir du moment où on l’a accepté sans réserves. Il faut se laisser mener par lui comme par la vie. Cela vient sans doute du rôle particulier qu’y joue la durée. Comme dit Pignon: « Le temps est une chose qu'il faut vivre et presque laisser vivre. »»

M.L.B.2

FILM PAGE

index