Les glaneurs et la glaneuse

Les glaneurs et la glaneuse

“In our alley we see men searching through the refuse for treasure. The Gleaners and I places them in an ancient tradition. Since 1554, when King Henry IV affirmed the right of gleaning, it has been a practice protected by the French constitution, and today the men and women who sift through the dumpsters and markets of Paris are the descendants of gleaners who were painted by Millet and Van Gogh.”

Roger Ebert1

 

“J'aime cette idée que l'émotion est un bourgeon. Le film est parti d'une émotion très curieuse que j'ai eue en regardant la télévision, en entendant un agriculteur perché sur sa puissante machine, une moissonneuse-batteuse-lieuse-emballeuse, et sûrement vendeuse, qui disait que sa machine était si perfectionnée qu'elle ne perdait pas un épi, même pas un grain. Il ajoutait que si la machine était mal réglée, elle lui faisait perdre de l'argent. Et alors j'ai tilté avec cette image du glanage, cette réalité agricole ancestrale, que j'ai pratiquée moi-même pendant la guerre pour trouver quelque chose à manger. Mon film n'est pas seulement un regard sur une réalité sociale terrible, il parle aussi du plaisir qu'il y a à trouver des choses, dans les rues ou dans les champs. Et du simple bon sens qu'il y a à glaner. Car pour glaner, il faut se servir de ses sens, du toucher, de la vue et de l'odorat pour déterminer si ce qu'on glane est encore bon à consommer. J'ai essayé de faire un documentaire rigoureux en approchant les différentes raisons de glaner. Et j'ai essayé d'approcher les gens qui vivent de nos restes, puisque nous jetons tous beaucoup. Les choses ont perdu de leur durée de vie. Avant, on avait une montre à vie, ou jusqu'à ce qu'elle soit cassée ou qu'elle meure. La révolution a commencé quand la publicité a dit aux gens qu'ils pouvaient changer de montre. Maintenant, les choses ne sont pas fabriquées pour durer, et les gens changent de tout tout le temps.

La main, les mains, mes mains. On glane et on grappille avec les mains. On tend la main, on prend la main, on donne la main et un coup de main. Il y a beaucoup de mains dans le film, y compris les miennes ­ l'une filme, l'autre pas, il y a une main qui regarde l'autre la filmer. J'ai toujours aimé ce dédoublement propre au cinéaste : voir et réfléchir, être ému et mettre en règle, filmer impromptu et monter rigoureux, capter le désordre et l'ordonner. Je suis très manuelle, je goûte par la main, j'ai donc les mains très abîmées. Pour moi, la représentation est délectable. [...] L'autre exemple, c'est ma propre main, qui est vieille comme je suis vieille, et que je rends monstrueuse en la filmant moi-même, en la plissant et en la tordant. C'est cette représentation de ma main qui me fait entrer dans le phénomène du vieillissement avec une délectation extraordinaire. C'est filmer la réalité qui me permet de l'accepter, c'est sa représentation excessive qui me permet de la comprendre.”

Agnès Varda2

  • 1Roger Ebert “The Gleaners and I”, www.rogerebert.com, May 2001
  • 2Frédéric Bonnaud, “Les Glaneurs et la glaneuse, le ciné-brocante d'Agnès Varda”, Inrockuptibles, July 2000
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