Los olvidados

Los olvidados

Los olvidados
petites plantes errantes
des faubourgs de Mexico-City
prématurément arrachées
au ventre de leur mère
au ventre de la terre
et de la misère
Los olvidados
enfants trop tôt adolescents
enfants oubliés
relégués
pas souhaités
Los olvidados
La vie n'a pas eu le temps de les caresser
Alors ils en veulent à la vie
et vivent avec elle à couteaux tirés
Les couteaux
que le monde adulte et manufacturé
leur a très vite enfoncés
dans un cœur
qui fastueusement généreusement et
heureusement
battait
Et ces couteaux
ils les arrachent eux-mêmes de leur
poitrine trop tôt glacée
et ils frappent au hasard
au petit malheur
entre eux
à tort et à travers
pour se réchauffer un peu
Et ils tombent
publiquement
en plein soleil
mortellement frappés
Los olvidados
enfants aimants et mal aimés
assassins adolescents
assassinés
Mais
Au milieu de la fête foraine
Un enfant épargné
Sur un manège errant
sourit un instant en tournant
Et son sourire c'est le soleil
qui se couche et se lève en même temps

Jacques Prévert1

  • 1Jacques Prévert, “Los Olvidados” [1950], Spectacle, (Paris: Ed. Gallimard, 1967). C’est après le succès du film que Jacques Prévert écrivit ce poème portant le même titre.
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