A day in the life of an unfaithful married couple and their steadily deteriorating relationship.
EN
“Each of your films has been, at your personal level, a historical experience, that is to say the abandonment of an old problem and the formulation of a new question; this means that you have lived through and treated the history of the last thirty years with subtlety, not as the matter of an artistic reflection or an ideological mission, but as a substance whose magnetism it was your task to capture from work to work. For you, contents and forms are equally historical; dramas, you have said, are plastic as much as psychological. The social, the narrative, the neurotic are just levels – pertinences, as they say in linguistics – of the world as a whole, which is the object of every artist’s work; there is a succession of interests, not a hierarchy. Strictly speaking, the artist, unlike the thinker, does not evolve; he scans, like a very sensitive instrument, the successive novelty which his own history presents him with; your work is not a fixed reflection, but an iridescent surface over which there pass, depending on what catches your eye or what the times demand of you, figures of the Social or the Passions and those of formal innovations, from modes of narration to the use of colour. Your concern for the times you live in is not that of a historian, a politician or a moralist, but rather that of a utopian whose perception is seeking to pinpoint the new world, because he is eager for this world and already wants to be part of it. The vigilance of the artist, which is yours, is a lover’s vigilance, the vigilance of desire.”
Roland Barthes1
François Maurin: Could you talk to us about your latest film, La notte?
Michelangelo Antonioni: With La notte I tried to carry on the same discourse as in L'avventura. We are fooling ourselves if we think that all we have to do is know all about ourselves, analyze the farthest reaches of our souls. That is, at most, a beginning. It is certainly not everything. In the best of cases, you achieve a kind of mutual compassion. But you have to go beyond that. The characters in La notte get to that point, but don't manage to get beyond it. They are characters of today, not of tomorrow.
Michelangelo Antonioni in conversation with François Maurin2
Enzo Bataglia [student of the Centro Sperimentale's directing class]: […] What I'd like to know is to what extent you plan your shots in advance and to what extent you let yourself be influenced by the locale during the actual shooting.
Michelangelo Antonioni: I believe that in every form of artistic endeavor, there is first of all a process of selection. This selection, as Camus once said, represents the artist's revolt against the forces of reality. So whenever I'm ready to start shooting a scene, I arrive on location in a fixed state of "virginity." I do this because I believe the best results are obtained by the "collision" that takes place between the environment in which the scene is to be shot and my own particular state of mind at that specific moment. I don't like to study or even think about a scene the night before, or even a few days before I actually start shooting it. And when I arrive there, I like to be completely alone, by myself, so that I can get to feel the environment without having anybody around me. The most direct way to recreate a scene is to enter into a rapport with the environment itself; it's the simplest way to let the environment suggest something to us. […]
Michelangelo Antonioni in conversation with Enzo Bataglia3
- 1Text of a speech given by Roland Barthes on the occasion of the granting of the ‘Archiginnsio d’oro’ to Antonioni by the City of Bologna in February 1980. First published in Roland Barthes Caro Antonioni: con antologia degli scritti di Antonioni sul cinema, edited by Carlo di Carlo, Bologna, 1980; and subsequently in Cahiers du Cinema no. 311, May 1980. Translated to English by Geoffrey Nowell-Smith.
- 2Michelangelo Antonioni, The Architecture of Vision. Writings & Interviews on Cinema (Chicago: University of Chicago Press, 1996), 272.
- 3Michelangelo Antonioni, The Architecture of Vision. Writings & Interviews on Cinema (Chicago: University of Chicago Press, 1996), 27.
FR
« [C]hacun de vos films a été, à votre propre échelle, une expérience historique, c’est-à-dire l’abandon d’un ancien problème et la formulation d’une nouvelle question c’est-à-dire l’abandon d’un ancien problème et la formulation d’une nouvelle question ; cela ; cela veut dire que vous avez vécu et traité l’histoire de ces trente dernières années avec subtilité veut dire que vous avez vécu et traité l’histoire de ces trente dernières années non comme la matière d’un reflet artistique ou d’un engagement idéologique, mais comme avec subtilité, non comme la matière d’un reflet artistique ou d’un engagement idéologique, mais comme une substance dont vous aviez à capter, d’œuvre en œuvre, la magnétisme. Pour vous, les une substance dont vous aviez à capter, d’œuvre en œuvre, la magnétisme. Pour vous, les contenus et les formes sont également historiques contenus et les formes sont également historiques ; les drames, comme vous l’avez dit, sont ; les drames, comme vous l’avez dit, sont indifféremment psychologiques et plastiques. Le social, le narratif, le névrotique, ne sont que des niveaux, des pertinences, comme on dit en linguistique, du indifféremment psychologiques et plastiques. Le social, le narratif, le névrotique, ne sont que des niveaux, des pertinences, comme on dit en linguistique, du monde total monde total, qui est l’objet de , qui est l’objet de tout artiste tout artiste : il y a succession, non hiérarchie des intérêts. A proprement parler, contrairement : il y a succession, non hiérarchie des intérêts. A proprement parler, contrairement au penseur, un artiste n’évolue pas au penseur, un artiste n’évolue pas ; il balaye, à la façon d’un instrument très sensible, le ; il balaye, à la façon d’un instrument très sensible, le Nouveau successif que lui présente sa propre histoire Nouveau successif que lui présente sa propre histoire : votre œuvre n’est pas un reflet fixe, : votre œuvre n’est pas un reflet fixe, mais une moire où passent, selon l’inclinaison du regard et les sollicitations du temps, les figures du Social ou du Passionnel, et celles des novations formelles, du mode de narration à mais une moire où passent, selon l’inclinaison du regard et les sollicitations du temps, les figures du Social ou du Passionnel, et celles des novations formelles, du mode de narration à l’emploi de la Couleur. Votre souci de l’époque n’est pas celui d’un historien, d’un politique l’emploi de la Couleur. Votre souci de l’époque n’est pas celui d’un historien, d’un politique ou d’un moraliste, mais plutôt celui d’un utopiste qui cherche à percevoir sur des points précis ou d’un moraliste, mais plutôt celui d’un utopiste qui cherche à percevoir sur des points précis le monde nouveau, parce qu’il a envie de ce monde et qu’il veut déjà en faire partie. La le monde nouveau, parce qu’il a envie de ce monde et qu’il veut déjà en faire partie. La vigilance de l’artiste, qui est la vôtre, est une vigilance amoureuse, une vigilance du désir. »
Roland Barthes1
« Deleuze note dans L'Image-Temps : « Le cinéma ne présente pas seulement des images, il les entoure d'un monde. C'est pourquoi il a cherché très tôt les circuits de plus en plus grands qui uniraient une image actuelle à des images souvenirs, des images rêves, des images mondes. » Chez Antonioni, cette union ou cette confusion, ou plutôt cette alliance, ce pacte, s'opère avec la peinture ou ses avatars; […]. Dans La notte, par exemple, une découverte (ces murs peints qu'on appelait autrefois des découvertes) représente un parc, devant cette peinture, sur le damier du sol, les protagonistes vont jouer au palet. Ce décor est l'amorce du parc réel, froid et nu, où se retrouveront à l'aube le mari et la femme pour se séparer. Le mur renvoie à la triche et au mensonge du jeu et du cérémonial mondain: le parc à l'aube parfaitement vide mais cadré à l'identique, comme décliné de l'image, est en revanche dépouillé de tout artifice par la révélation d'un sentiment nu, désolé et accordé à l'espace. »
Alain Bonfand2
“Le personnage antonionien n'existe que s'il est menacé par cet existential. Et il ne va naître au récit qu'en subissant, en s'engouffrant ou en résistant à cet assaut : le protagoniste se trouve alors jeté là, pour se retrouver. Il est inutile et spécieux de faire un inventaire des situations où l'angoisse avançant sous diverses formes, s'empare du personnage. […] L'angoisse fait éprouver alors au personnage son être comme quelque chose dont il a la charge. La notte s'ouvre sur une situation exemplaire d’angoisse : l'hôpital, la mort programmée de l'ami, situation qui va comme une bombe à retardement, comme une mèche courant dans tout le film trouver sa solution, sa résolution dans la scène finale, comme si le véritable temps diégétique du film était entre l'annonce de la mort et la mort de l'ami. C'est-à- dire un sursis implicite et dissimulé qui, dans les substructions du film, fonde et enracine tout dans l'angoisse.”
Alain Bonfand3