La part de l’ombre

La part de l’ombre

On 7 February 1944, the day of the opening of an important exhibition of his work, the Hungarian photographer Oskar Benedek disappeared. More than sixty years later, an investigation reveals his strange fate.

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« C’est un pastiche du documentaire composé de photographies, qui raconte l’histoire d’un photographe imaginaire, disparu à Budapest en 1944. Je me suis arrangé pour que tout soit crédible, en partant de l’histoire d’un médecin autrichien nazi ayant réellement existé pour inventer le reste. Mon idée n’était pas de piéger le spectateur, mais d’interroger notre fétichisme de la chose vraie. Quand on dit qu’une fiction est inspirée de faits réels, ça change quelque chose pour nous. Mais ça ne devrait pas, car un film, même documentaire, reste une interprétation. »

Olivier Smolders1

 

« La part de l’ombre… Un titre et déjà des images surgissent, qui évoquent l’inconscient, le secret, les contes peuplés d’ogres de notre enfance, les désastres de l’histoire. Film en voie de disparition… Un sous-titre et déjà nous comprenons que le film doit être regardé comme un objet, une peau de chagrin, ou bien peut-être comme un être vivant, on ne sait plus, on s’y perd, et n’est-ce pas là justement l’intérêt de la chose, se perdre.  

Se perdre dans les méandres d’une sombre histoire, celle du photographe hongrois Oskar Benedek, qui, en 1944, le jour de l’exposition de son œuvre à la galerie Hantaï, aurait disparu de la surface du globe pour ne plus réapparaître. Disparaître, comme disparaîtront aussi les photos d’enfants mutilés qu’il aurait prises dans un hôpital dirigé par l’effrayant docteur Klein, monstre méphistophélique réfugié en Suisse avant d’être assassiné de la plus atroce des façons. Disparaître enfin comme les sujets du photographe devenus ombres, fantômes,  aspirés par le processus photographique qui tendrait à les immortaliser mais qui, ici, les dépouille de leur matière, de leur essence. Olivier Smolders met en scène - et en pièces - cette histoire qui se prête à une infinité de combinaisons possibles dans lesquelles le spectateur dérive au cœur du processus de l'élaboration imaginaire. Avec son accumulation d’images surréalistes, érotiques, picturales, chirurgicales, naturalistes, La part de l’ombre est une expérience cinématographique limite, expérimentale, un joyau aux puissants reflets noirs. Dans ce théâtre de la cruauté en forme d’enquête et de conte fantastique dans lequel s’emboîtent les pièces d’un puzzle complexe, tout est de l’ordre (ou du désordre) de l’interprétation et donc de la création.  

Smolders poursuit ainsi sa quête du film-objet. Après un film « pour amuser les chaises », un autre « en forme de poire » ou encore un film « immobile », ce film « en voie de disparition » rappelle au spectateur que tout n'est qu'illusion emboîtée dans un rectangle, qu’il soit photographique, pictural ou filmique. Mais qu’est-ce que la réalité sinon une illusion donnée par les sens ? Qu’est-elle, en effet sinon l’histoire que l’on s’invente ? »

Sarah Pialeprat2

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